mercredi 10 décembre 2014

Note de lecture

« Mémoires d’un paysan Bas Breton »
de Jean-Marie Déguignet




Au XIXème siècle, un paysan lettré résiste sans faiblir aux ennemis de la pensée libre : les prêtres, les gros propriétaires terriens, les bourgeois, l’ignorance et les préjugés. Pourtant, Jean-Marie Déguignet en a quelques-uns, au sujet des femmes en particulier. Ce paysan, agriculteur éclairé, né dans les environs de Quimper, parle le breton du canton, sa langue maternelle et sans jamais avoir été à l’école, le latin, le français, l’italien et l’espagnol. Il exerce tour à tour les métiers de mendiant, vacher, soldat, sergent, cultivateur, assureur, débitant de tabac, et meurt réduit à l’état de miséreux par le clergé local qui le hait.

C’est un anti-clérical, un républicain authentique, le tout à fleur de peau. Ses diatribes contre « les tonsurés » sont succulentes et n’ont aucunement perdu aujourd’hui de leur pertinence. Soldat engagé, par nécessité, il fait la campagne de Crimée, celles d’Italie, d’Algérie et du Mexique. Il qualifie cette dernière d’ « ignoble et criminelle intervention ». Une brève analyse de la campagne de Napoléon III au Mexique pour soutenir Maximilien, témoignent d’une certaine acuité politique. Pourtant du fond de la Cornouaille, Jean-Marie Déguignet ignore la commune de Paris, dans l’édition établie par Bernez Rouz.

Les mémoires de Jean-Marie Déguignet (1834-1905) font vivre une Basse Bretagne sous le deuxième empire et la troisième république où le clergé, les gros propriétaires terriens et la bourgeoisie exercent un terrible et absolu pouvoir sur les paysans et les ouvriers qu’ils exploitent et réduisent à la plus extrême misère.

La lecture, instructive et facile, est parfois cocasse ( quelques distorsions de français prêtent à sourire). Il faut absolument avoir lu les « Mémoires d’un paysan Bas Breton » de Jean-Marie Déguignet aux éditions An Here.

Claude Dubois

Les étapes de la vie de Jean-Marie Déguignet :
1834 : Naissance à Guengat (29), « Je vins au monde dans de biens tristes conditions. »
1844 : Mendiant à Ergué-Gabéric, « J’étais si petit, si maigre, si triste que les fermières avaient pitié de moi. »
1851 : Vacher à Kerfeunteun, « J’avais appris à lire et à écrire sans maître. »
1854 : Service militaire à Lorient, « Ce milieu où presque personne ne savait lire ou même parler un mot de français. »
1861 : Guerre de Kabylie, « Les Kabyles comme les Bretons, ne se seront jamais soumis à leurs vainqueurs. »
1866 : Guerre du Mexique, « Cette ignoble et criminelle intervention. »
1868 : Cultivateur à Ergué-Armel, « Des compliments tous les jours par les gens qui venaient voir la ferme. »
1877 : Républicain, « Vive la république bas la calotte ! »
1883 : Chassé de sa ferme, « Je vous engraisse depuis quinze ans... et vous me chassez ! »
1888 : Débitant de Tabac à Pluguffan, « Le franc-maçon, le républicain rouge, le valet du diable. »
1892 : Miséreux à Quimper, « Rien que des haillons pour couvrir mon vieux corps meurtri, usé et décharné. »
1897 : Écrit ses Mémoires, « Cette petite plume qui, dit-on, est parfois plus dangereuse qu’une épée. »
1902 : Séjour à l’hôpital psychiatrique, « Officiellement exclu de la société, mis au ban des hommes de l’humanité. »
1904 : Publication à Paris, « J’ai vu mon nom briller au milieu des célébrités littéraires. »
1905 : Décède face à l’hospice, « Je proteste contre toute intervention des prêtres autour de mon cadavre. »