jeudi 13 novembre 2014

Discours de la Libre Pensée 29 le 11 novembre 2014


 Amis, Citoyennes, Citoyens, Camarades,

Je vous apporte ici le salut fraternel de la Libre Pensée 29 – Cercle Jean-Marie Déguignet et de la Fédération nationale de la Libre Pensée.
 Une nouvelle fois, avec chaque année plus de force encore, la Libre Pensée est à l’initiative de plus de 120 rassemblements et initiatives autour du 11 novembre devant les monuments pacifistes et nous en découvrons chaque jour de nouveaux. C’est tout un pan de l’histoire du mouvement ouvrier, pacifiste et internationaliste qui a été occulté par les bellicistes de droite comme de gauche, que la Libre Pensée fait remonter à la surface de la conscience collective des citoyennes et des citoyens de ce pays.
Depuis des décennies, la Libre Pensée combat avec énergie pour que justice et honneur soient rendus aux Fusillés pour l’exemple de la Première Guerre mondiale. Sur ce chemin de liberté, nous avons rencontré beaucoup d’appuis. Malgré le fait que beaucoup de médias aux ordres veulent taire l’action de la Libre Pensée, force est de constater que ne cessent de passer, sur les écrans de télévisons, les documentaires et les films sur cette tragédie. Depuis un an, la presse locale ne cesse d’écrire sur les Fusillés, sur ces enfants des villes et des campagnes, assassinés PAR des balles françaises.
Nous avons réussi notre engagement  : personne ne peut évoquer le centenaire de la Grande boucherie impérialiste sans mentionner les Fusillés pour l’exemple. Nous avons gagné la bataille de l’opinion. Et ce n’est pas une mince affaire.
Et ce,
contre le Président de la République qui s’est renié,
contre le Sénat qui, pour une fois dans son histoire, aurait pu être utile à quelque chose et qui s’est fourvoyé, une nouvelle fois, en refusant de rendre leur honneur aux soldats français tombés sous les balles françaises,
contre l’Assemblée nationale, assemblée croupion de la Ve République, qui refuse d’entendre la voix du peuple alors qu’elle est censée le représenter.
Le gouvernement français fait la guerre en différentes contrées du monde.
Quand on bombarde, quand on tue, quand on occupe un territoire qui n’est pas le sien, comme au bon vieux temps de la coloniale et de l’Empire, alors bien sûr, on ne peut réhabiliter ceux qui ont su dire non à la barbarie et à la guerre. Quand le sang coule partout sur tous les continents, alors il faut l’Union sacrée.
« L’Etat a une longue histoire, elle est pleine de sang » disait Clémenceau, un connaisseur.

L’Union sacrée s’est toujours faite, hier comme aujourd’hui, avec les généraux, avec les fusilleurs, avec les patrons et avec les curés. Ce monde inquiet sent toujours la poudre et l’eau bénite. Quand on fait l’Union sacrée, pas question pour ceux qui nous gouvernent de fâcher leur sainte-mère-l’Eglise. Il faut que les milliards tombent toujours dans son escarcelle au nom de la loi Debré et des lois de Vichy qui n’ont jamais été abrogées.
Il faut la bénédiction des prélats, pasteurs, rabbins et imams pour lutter contre «  l’axe du mal  » au nom de  « l’axe du bien » et « pour une guerre juste » si cher à Georges W. Bush, à Barack Obama et au complexe militaro-industriel des Etats-Unis.
Comme en 1914-1918, pendant les guerres, les affaires continuent.
Chaque seconde dans le monde, les dépenses militaires représentent 41100 euros (en 2010), soit plus de 3,5 milliards de dollars par jour et 1464 milliards d'euros par an.
Celles des Etats-Unis représentent 43% du total.
Et vous vous demandez pourquoi il y a la guerre  ? Parce que cela rapporte, et beaucoup aux capitalistes.
Ces dépenses sont 2,60% du Produit National Brut mondial soit 236 dollars environ par habitant de la planète
Avec moins de 1%, on supprimerait à tout jamais la misère sur la planète.
Mais, il faut l’Union sacrée avec les patrons pour tout sacrifier à la recherche du sacro-saint profit capitaliste et financier. Il faut satisfaire aux exigences du CAC-40, des agences de notation, de la Banque mondiale, du FMI et de l’Union européenne. Et pour cela, il faut détruire les acquis sociaux, les emplois dans les usines, les postes dans les administrations. Il faut faire table rase de la Sécurité sociale et des conquêtes sociales.
On doit exalter le « sacrifice » pour le bien de la Nation, confondu allégrement avec celui des capitalistes et des gouvernants. Les Grands de ce monde sont toujours prêts à sacrifier la dernière goutte du sang des autres et le dernier acquis social des salariés, pour leurs intérêts. La devise du libéralisme a toujours été  :  « Pourquoi faire payer les riches, quand les pauvres sont si nombreux  ?  ».
Alors, réhabiliter ceux qui ont dit non à tout cela, « vous n’y pensez quand même pas ! ».
Est-ce donc impossible ? Qui sont les véritables responsables de ce véritable déni de justice ? Qui couvre les crimes des généraux assassins d’hier ? La caste des généraux d’aujourd’hui ? Qui ?
On nous appelle au devoir de mémoire, nous y sommes prêts. Nous rappelons qu’hier, les mêmes au pouvoir, ont amnistié-réhabilité les généraux putschistes fascistes qui ont fait un coup d’Etat en Algérie. Les mêmes ont fleuri pendant longtemps la tombe du maréchal collaborationniste Pétain.
Pourquoi les simples soldats n’ont-ils pas le droit à la même considération des gouvernements ?
Faut-il être un général fasciste pour avoir le droit d’être réhabilité ?
Faut-il être un maréchal collabo pour être honoré ?
Le 11 novembre auquel nous participons n’est pas celui des galonnés, des mitrés et des ministricules qui vantent les mérites de ceux qui sont morts à leur place, alors qu’eux sont bien vivants et vivent bien de leurs rentes de situation.
Leur 11 novembre est celui des défilés militaristes qui glorifient la guerre, alors que le 11 novembre, à l’origine, était celui des anciens combattants qui refusaient la guerre. « Plus jamais cela !  » proclamaient-ils. Et maudite soit la guerre, maudites soient toutes les guerres  !
Contre ce combat pour rendre leur honneur aux soldats fusillés et à leur famille qui ont subi l’opprobre et la honte, les faux arguments l’ont disputé aux fausses promesses. On nous a dit que l’on ne pouvait réhabiliter collectivement les soldats fauchés par les pelotons d’exécution, car il y avait des droits communs parmi eux.
Cet argument n’a jamais prévalu pour la Libre Pensée, car, avec Voltaire, elle proclame «  qu’il  vaut mieux un coupable en liberté qu’un innocent en prison  ». Mais même le Ministère des Anciens combattants a fait litière de l’argument des droits communs. Il a, par un communiqué du 24 octobre 2014, dû reconnaître la véracité de la position de la Libre Pensée. Selon le ministère, il y aurait eu 639 Fusillés pour l’exemple pour «  désobéissance militaire  » et 369 fusillés pour «  actes de droit commun, trahison, espionnage, motifs inconnus  ». Ce qui ferait un total de 1 008 selon Kader Arif, encore un chiffre différent que celui de 918 donné aux sénateurs le 19 juin 2014. Laissons au ministère la responsabilité de sa valse-hésitation sur les chiffres  !
Mais force est de constater que, désormais, il n’y a plus de possibilité d’embrouiller les choses : le gouvernement établit la très nette distinction entre les Fusillés pour l’exemple et les autres fusillés. Il rend compte ainsi – et c’est là l’essentiel - de la situation précise formulée par la Libre Pensée. Dès lors, il n’y a plus aucun obstacle de clarté et de connaissance de la vérité pour la réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple  !
Nous sommes pour la réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple et que nous répondent les autorités ? Elles nous oppose le «  cas par cas ».
Prenons un exemple significatif : le cas Chapelant.
Chapelant, innocent de ce qu’on lui reproche, blessé, a été fusillé sur sa civière, mise à la verticale pour ce faire. Kader Arif met ce cas en avant, s’agite beaucoup, il lui a fait élever une stèle cette année, dans la Somme, là où il a été fusillé mais il ne le réhabilite pas.
On pourrait multiplier les exemples. Les partisans du « cas par cas » n’ont pas fait réhabiliter un seul soldat. On voit clairement que le « cas par cas » est une manière de ne pas réhabiliter.
Autre réponse des autorités : une salle aux Invalides pour les Fusillés pour l’exemple, ils seraient donc à côté de ceux qui les ont condamnés.
En apprenant cette décision, un descendant d’un fusillé faisait part l’année dernière de sa colère et d’une façon lapidaire, disait  « On les fusille une deuxième fois ! »
La troisième proposition, c’est de mettre les dossiers sur Internet afin que chacun puisse juger. Si au point de vue informatif, c’est intéressant, on se moque tout de même des citoyens, parce qu’on laisserait ainsi à chacun, comme dans les mauvais jeux télévisés, le soin de dire s’il réhabiliterait ou pas tel ou tel soldat. La réhabilitation deviendrait un choix individuel alors qu’il s’agit d’une responsabilité nationale de l’Etat.
Que serait-il advenu de Dreyfus avec un tel protocole ? Il serait resté au bagne.
Pour la Libre Pensée, il n’est pas question d’accepter cette situation !
Pour les combattants de la justice qui œuvrent à la réhabilitation collective, il faut bannir à tout jamais la peine de mort. Il ne saurait y avoir de bonnes ou de mauvaises peines de mort. La peine de mort, on est pour ou on est contre. C’est une question de principe.
La guerre est la première des religions. Elle vient de la nuit des temps. Toutes les religions ont participé, peu ou prou, aux massacres collectifs. Il faut sortir l’Humanité de la nuit noire de la barbarie. Les libres penseurs ne sont responsables d’aucune guerre, si ce n’est de celle que le cléricalisme leur fait en permanence.
Le sens de notre combat pour que justice et honneur soient rendus aux 639 Fusillés pour l’exemple est qu’il faut faire reconnaître le droit à la désobéissance, le droit de refuser de tuer des êtres humains.
C’est pourquoi, à compter de ce jour, commence une nouvelle ère.
La Libre Pensée propose que soit érigé sur la ligne de front, un monument en hommage aux 639 Fusillés pour l’exemple. Nous allons donc lancer une grande souscription pour cela.
Nous en appelons à tous, car nous sommes aussi la République  !
Et la République réhabilitera les Fusillés pour l’exemple avec tous ceux qui se reconnaissent dans ce combat de justice.
C’est aussi pourquoi, nous ferons les 13 et 14 décembre 2014 à Soissons, dans l’Aisne sur les lieux mêmes des tranchées du front, le procès des généraux fusilleurs et assassins. Nous établirons leur responsabilité dans cette horrible tragédie (voir à la fin de ce discours leurs déclérations).
Nous les déclarerons coupables de crimes devant la conscience de l’Humanité.
Et c’est aussi pourquoi, en décembre 2015, à Saint-Nazaire, nous ferons un colloque en hommage aux combattants de la liberté sur le thème  :  «Déserteurs, mutins, pacifistes, antimilitaristes de tous les pays et de toutes les guerres, unissez-vous»
Amis, Citoyennes, Citoyens, Camarades,
Nous voulons aujourd’hui, une nouvelle fois, remercier encore l’Association Républicaine des Anciens Combattants, l’Union Pacifiste de France, le Mouvement de la Paix et les très nombreuses sections de la Ligue des Droits de l’Homme qui combattent à nos côtés pour que Justice soit rendue et au niveau départemental, la CNT, l’Université Européenne de la Paix, le CRABES.
Merci encore aux syndicats de la CGT et de la CGT-Force Ouvrière qui, au nom et en mémoire de tous les militants et syndiqués de la CGT originelle qui ont subi ces injustices et cette barbarie, exigent la réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple.
Merci aux 29 Conseils généraux, aux 3 Conseils régionaux, au millier de Conseils municipaux à travers tout le pays qui exigent, d’une voix de plus en plus forte, cette réhabilitation de justice.
Merci à ceux qui continuent de prendre position, indiquant clairement que la République, c’est aussi eux, la République c’est aussi nous  !
Merci enfin à vous tous, d’horizons divers, connus ou inconnus, qui vous êtes mobilisés depuis tant d’années pour cette noble et juste cause.
Je vous invite à signer l’ « Appel à la conscience humaine ».

Nous réhabiliterons les 639 Fusillés
pour l’exemple de 1914-1918 !

Maudite soit la guerre, maudites soient toutes les guerres !

Ni dieu, ni maître !
A bas la Calotte !
Vive la Sociale !

Je vous remercie.


Déclaration de généraux en 1914 :

C’est le général Guillaumat qui, en août 14, fait un discours aux généraux et déclare : « Ça ne marche pas comme je le voudrais, et ça tient à ce que vous êtes trop familiers avec vos hommes. Il faut renforcer la discipline, ne pas avoir peur de fusiller 10, 20, 100 hommes. C’est le seul moyen d’obtenir des résultats. »
C’est le général Joffre qui téléphone au ministre le 21 août 1914 : « L’offensive de Lorraine a été superbement entamée. Elle a été enrayée brusquement par des défaillances individuelles ou collectives qui ont entraîné la retraite générale et nous ont occasionné de très grosses pertes. J’ai fait replier en arrière le 15ème corps qui n’a pas tenu sous le feu, et qui a été cause de l’échec de notre offensive : J’y fais fonctionner ferme les conseils de guerre. ».
C’est le général commandant la 73ème brigade de la 37è division d’infanterie qui déclare le 23 septembre 1914 : « Les unités de tirailleurs se sont comportées aujourd’hui de façon navrante pour moi, ancien colonel de tirailleurs. Celles qui n’ont point été engagées ne se seraient pas mieux comportées, j’en suis maintenant absolument convaincu. J’ai tué de ma main 12 fuyards et ces exemples n’ont point suffi à faire cesser l’abandon du champ de bataille par les tirailleurs. »